Ont participé à la journée :
Alexandre Asanovic, Leyla Barkati, Mohammed Benabbès, Raya
Ben Guiza, Virginie Bridoux, Françoise Briquel-Chatonnet,
Mouhadine Chaouali, Hédi Dridi, Roger Hanoune, Valérie
Huet, Mathilde Jouannault, Mohamed Ali Ladhari, Jean-Pierre Laporte,
Denis Lengrand, Eliane Lenoir, Maurice Lenoir, Leyla Najar, Sophie
Saint-Amans, Nicolas Schmaltz, Meriem Sebaï-Bernard, Amel Tekki,
Jean-Pierre Vallat, Filipp Von Rummel, Kenza Zinaï.
Présentation de la journée
JEAN-PIERRE VALLAT (JPV) a introduit la journée en remerciant
les participants et le public et en se félicitant de la réalisation
de cette rencontre. Il a rappelé le rôle de Paris 7
dans l'écriture de l'histoire de l'Afrique en rendant hommage
à l'uvre de MARCEL BENABOU et à l'impact international
de La résistance africaine à la romanisation. Il a
précisé l'enjeu que constitue l'histoire du Maghreb
dans le monde universitaire et en particulier au sein de Paris 7
où cet espace géographique est revendiqué par
plusieurs laboratoires aux problématiques différentes
comme Sociétés occidentales ou le Sedet (introduire
intitulé entier). Il a salué le groupe AFRICA ANTIQUA
(AA) dont la nécessité de fédérer les
jeunes chercheurs de l'Afrique du Nord peut s'illustrer par l'hétérogénéité
des directeurs de recherches et des centres d'accueil de ces étudiants
et doctorants. Grâce aux réunions régulières
et au site Internet, il s'est félicité de la bonne
visibilité de ce groupe de recherches. Il a souligné
que la jeunesse des membres est salutaire pour un renouvellement
du corps professoral et a engagé les jeunes post-doctorants
à briguer les postes universitaires qui vont se libérer
en raison de départs à la retraite. Il a terminé
en souhaitant une agréable et enrichissante journée
doctorale.
HEDI DRIDI (HD), l'un des membres fondateurs d'AA, a ensuite pris
la parole et précisé le thème de cette deuxième
journée doctorale : Historiographie de l'Afrique du Nord.
Il a expliqué qu'elle faisait suite la première qui
s'était déroulée à Aix-en-Provence en
mai 2004 et dont le thème d'étude était Autour
de l'eau en Afrique du Nord Antique. Il a remercié JPV et
LEYLA BARKATI (LB), doctorante à Paris 7, pour l'accueil
réservé à AA par Paris 7 tout au long de l'année.
Il a ensuite présenté les motivations du groupe AA
en rappelant que le principal enjeu était de faire circuler
les informations touchant à l'histoire de l'Afrique du Nord
Antique, que ces informations émanent de doctorants, d'étudiants
ou de professeurs. HD a présenté les différents
projets qui prenaient forme au sein du groupe et en particulier
la constitution d'outils pratiques comme la numérisation
d'une documentation difficile d'accès (cartes topographiques,
corpus épigraphiques) ou encore l'initiation à des
logiciels (Corel Drauw). Il a mentionné le rôle déterminant
de MOHAMED BENABBES (MB), de SOPHIE SAINT-AMANS (SSA) et de MERIEM
SEBAÏ-BERNARD (MSB) dans le fonctionnement du site Internet,
vitrine du groupe. L'adresse du site a été communiquée
au public. Il a ensuite évoqué les réunions
mensuelles du groupe AA qui se font dans un cadre confidentiel,
c'est-à-dire, entre jeunes chercheurs et étudiants
ce qui permettait une plus grande liberté de parole. HD a
souligné que cette " thérapie de groupe "
devait finalement s'ouvrir régulièrement à
un public élargi de non africanistes et se confronter, ainsi,
aux multiples questions susceptibles d'être posées
pour l'ensemble de la Méditerranée et de sa périphérie,
d'où la présence parmi les intervenants de ALEXANDRE
ASANOVIC (ALA) qui proposera de porter le regard vers l'est et la
Russie de Pierre Le Grand. Ainsi, HD a conclut en précisant
que ce thème : Historiographie de l'Afrique du Nord n'est
pas nouveau mais que les modalités d'approche proposées
par les différents intervenants permettent d'enrichir la
façon dont on a réfléchit sur l'histoire de
l'Afrique depuis l'époque des croisades à nos jours.
Communications du matin
SOPHIE SAINT-AMANS (SSA) a présidé la première
demi-journée et a présenté les différents
intervenants.
Mohamed Benabbès (Paris X) : " Matière
pour une historiographie de la conquête arabe en Afrique du
Nord : des croisades à 1830 "
Le premier intervenant, a soutenu sa thèse en février
2004, thèse dirigée par CLAUDE LEPELLEY. Il précise
que le travail qu'il présente fait suite à des réflexions
inspirées par sa thèse et constitue une nouvelle recherche.
Il propose donc d'exposer les premières réflexions
que lui inspirent l'étude des sources occidentales sur la
conquête arabe des Croisades à 1830. Du 7ème
au 11ème siècle, l'Occident chrétien est sur
la défensive et les contacts s'effectuent dans un seul sens,
celui des invasions arabes. Ensuite, les Croisades et l'ouverture
de nouvelles voies commerciales multiplient les contacts. Le premier
corpus occidental de textes portant sur la conquête arabe
date de la deuxième moitié du 2ème siècle
et est constitué par le Père (Tolens ???). Il regroupe
des documents évoquant la vie de Mohamed et la diffusion
de l'Islam. L'apprentissage de l'arabe devient une nouvelle nécessité
pour les Missionnaires et c'est en 1311 que le Concile de Vienne
autorise l'ouverture de chaire d'arabe dans les universités
de Cologne, Bologne, Vienne ???. Les premières traductions
en latin de sources arabes et en particulier de chroniqueurs arabes
chrétiens constitueront la base de la connaissance de l'Islam
en Occident. La pratique veut que l'on traduise des chroniqueurs
arabes eux-mêmes plutôt que de rédiger une uvre.
Le thème de ces uvres est l'histoire des Arabes en
général et, on ne recense pas de traduction consacrée
à l'Afrique du Nord. C'est au 18ème siècle
??? qu'apparaissent les premières uvres portant sur
l'Afrique du Nord. Pour conclure, l'intérêt des Occidentaux
concernant la conquête arabe s'est éveillé pendant
les Croisades et cette connaissance de l'Islam et de son histoire
a, tout d'abord, été réalisé par les
Missionnaires (13ème et 14ème siècles). Elles
fut développée par les premiers Orientalistes au 17ème
siècle. Cette histoire est sujette à beaucoup de clichés
et semble très déséquilibrée en raison
de l'importance apportée à certaines sources et le
silence d'autres. S'ajoutent à cette qualité relative,
les notes et commentaires souvent médiocres apportés
aux traductions par les premiers éditeurs.
Philipp von Rummel (Friburg) : " La 'Frühgeschichte'
allemande et les Vandales en Afrique "
L'Afrique du Nord n'a jamais été, contrairement aux
autres régions méditerranéennes, un espace
d'engagement renforcé de l'archéologie allemande.
Traditionnellement aux mains des archéologues français,
ou italiens pour la Libye, les recherches allemandes sur l'Afrique
se limitent à de petites études isolées. Il
y a, cependant, depuis longtemps une discipline particulière
de l'archéologie allemande, qui s'intéresse prioritairement
à l'Afrique et aux Vandales. C'est la soi-disant 'Frühgeschichte',
un ressort comparable à l'archéologie mérovingienne
en France. La 'Frühgeschichte' est depuis ses origines un ressort
autonome, séparé de l'histoire et de l'archéologie
de l'Antiquité. C'est pourquoi les spécialistes de
cette discipline n'étaient parfois pas au courant des travaux
des autres, particulièrement dans les régions méditerranéennes,
ou l'archéologie classique était traditionnellement
plus forte. Nous pouvons suivre cette séparation, qui est
parfois presque bizarre, jusqu'à nos jours dans différents
pays, mais surtout en Allemagne. La présente communication
s'occupe de l'histoire des recherches des spécialistes de
la 'Frühgeschichte' en Afrique, de la tradition et du changement
dans les méthodes et, surtout, de la motivation pour ces
recherches entre le 19ème siècle et nos jours. Ce
dernier point est fortement relié à l'histoire contemporaine
allemande et française et aux relations changeantes entre
les deux pays. De cette manière, cette communication veut
ajouter à cette journée doctorale un petit aspect
de l'historiographie de l'Afrique, qui, certes, n'a pas influencé
les grandes lignes de la recherche en Afrique, mais qui pourrait
provoquer un certain intérêt pour une discipline qui
semble être un peu étrange du point de vue maghrébin.
Alexandre Asanovic (Paris I) : " La Russie et l'héritage
antique du 18ème siècle à la chute du Mur
"
Doctorant sous la direction de M. CROISSANT à Paris I, il
a fouillé en Espagne, en Grèce, sur le pourtour de
la Mer Noire. Il décide de présenter comment la Russie
a intégré l'héritage antique, mouvement impulsé
par Pierre Le Grand (PLG). La période d'étude s'étend
du 18ème siècle à la politique stalinienne.
La Réforme voulue par PLG (révolution pétrovienne)
est motivée par la volonté de garder et de développer
un rôle de grande puissance. Sa réalisation prend la
forme de pratiques empiriques. Dans un premier temps, il rompt avec
la coutume qui veut que l'apport grec soit envisagé dans
sa dimension chrétienne. Il prend le titre d'Imperator et
décide d'emporter la culture occidentale et en particulier
l'Antiquité. Mais il s'agit d'une Antiquité de seconde
main, qui est déjà passée par le filtre de
la Renaissance. Dans un second temps, il fait traduit des auteurs
classiques et des ouvrages allemands. Il créée l'Académie
qui fonctionne, à ses débuts, grâce à
des professeurs allemands. Cette situation illustre bien le caractère
importé de la Réforme et sa violence qui s'apparente
à un modèle colonial " de l'intérieur
". Catherine II qui est l'héritière du premier
Imperator poursuit l'uvre en affirmant son goût pour
le néo-classicisme. Elle fonde un enseignement public moderne
et, grâce aux guerres menées contre les Ottomans, parvient
à joindre le patrimoine antique de la Mer Noire à
celui de la Russie. Un nouveau cadre civilisationnel s'instaure
et la greffe fonctionne auprès des élites qui s'approprient
cet héritage. Au 19ème siècle, la découverte
de vestiges, la constitution de musée et l'émergence
de chercheurs russes (influencés par la culture allemande)
favorisent une certaine diffusion auprès du public. La Révolution
française et l'invasion napoléonienne développent
une atmosphère sociale exacerbant les valeurs héroïques
inspirées des Romains. Au fur et à mesure, la recherche
sur l'Antiquité s'autonomise et se spécialise. Malgré
le chaos de la Révolution russe, la recherche se poursuit.
En 1921, lors de la mise en place du premier plan quinquennal, la
soumission de l'intelligentsia doit s'opérer de fait et la
civilisation antique fait son entrée dans la théorie
des stades. Elle est assimilée au stade esclavagiste. La
terreur règne parmi les chercheurs (purges de Moscou) avec
l'imposition de lois historiques permettant une justification de
la dictature du prolétariat. L'Antiquité est instrumentalisée.
Malgré ce contexte étouffant, les Instituts de recherche
conçus par les Bolcheviks ont pu être novateurs en
particulier grâce au postulat marxiste (étude sur la
cité grecque, son territoire et sa base économique).
Discussion du matin
Concernant la communication de ALA, JPV souligne le rapprochement
de l'historiographie marxiste entre la chora de la cité grecque
et le kolkoze stalinien faisant en particulier référence
à des articles parus dans la revue DHA. ALA précise
en effet que les travaux des antiquisants ne se voulaient pas monolithiques
et que les recherches étaient orientées vers l'explication
des rapports de production dans l'organisation du territoire.
Concernant la communication de PHILIPPE VON RUMMEL (PVR), Denis
Lengrand (DL) mentionne l'intérêt que portèrent
des chercheurs français sur la science allemande. Il prend
l'exemple de Camille Jullian et de la concurrence scientifique qui
naît également de la défaite de 1870. Il termine
en rappelant l'exemple de St. Gsell qui demande des financements
pour concurrencer le CIL et R. Cagnat. PVR précise, en effet
la quasi-impossibilité pour les chercheurs allemands de se
rendre en Afrique du Nord ; ce sont des chercheurs qui travaillent
uniquement à partir de reproduction. ROGER HANOUNE (RH) mentionne
que Karl Marx passa sa convalescence en Afrique du Nord. Concernant
les Vandales, il précise que les Français ont toujours
un regard bienveillant envers les Vandales et explique que cette
question fait entrer sur la scène scientifique un 3ème
pays qui est la Pologne (fait circuler un livre polonais sur les
Vandales). PVR nuance cette idée en expliquant que les Vandales
sont tour à tour passé pour des slaves ou des germaniques
en fonction des chercheurs. RH explique qu'il est difficile de maintenir
un questionnement identitaire en rapport aux espaces étudiés.
Il explique le problème que pose la découverte archéologique
de nouveaux matériaux : il s'appuie sur d'un camp breton
de la IIIème Auguste datant de Septime Sévère
où ont été trouvées des poteries de
" façon africaine ". Plusieurs membres du public
s'interrogent alors sur les termes à employer : vandale,
germanique
et PVR propose d'être prudent avec les interprétations
ethniques. JPV s'interroge alors sur l'exemple développé
par RH et le nom que l'on pourrait lui donner, céramique
romaine d'Afrique ou céramique Africaine ?. RH choisit d'appeler
ces poteries, céramiques de Bretagne car l'argile est bretonne.
Mais il précise que le savoir-faire est incontestablement
africain. JEAN-PIERRE LAPORTE (JPL) explique qu'il serait bon de
remettre en cause le lien fait entre tribu et objet et que cette
vision devrait être totalement abandonnée mais paradoxalement
explique que chercher l'origine des gens qui produisent est déterminante.
ELIANE LENOIR (EL) nuance cette idée car l'identification
reste déterminante dans le travail de l'archéologue
qui essaie de donner du sens. JPL reproche la pratique abusive qui
est parfois appliquée et qu'il appelle la " théorie
des filtres " ; elle consiste, selon lui, à faire passer
les objets dans la passoire romaine, puis ensuite dans la passoire
punique, ainsi tout ce qui n'est pas romain et tout ce qui n'est
pas punique devient alors libyque. Il s'appuie sur l'exemple des
massues qui ont été considérées comme
libyques puis ensuite comme vandales. Il conclut en expliquant que
l'appréhension du libyque est faite de manière négative.
EL explique qu'il ne faut pas forcément remettre en cause
tout le vocabulaire et que nommer les objets en fonction des expressions
" pré-romain " ou " post-romain " répond
à une nécessité. Elle précise qu'il
serait possible d'utiliser un autre registre de vocabulaire, mais
l'expression " poterie africaine " reste délicate.
HD souligne alors que la discussion concernant les termes est récurrente
dès qu'il s'agit de l'Afrique du Nord antique. EL poursuit
en précisant que l'affinement de la datation est toujours
possible en s'appuyant sur l'exemple maurétanien et que la
difficulté réside en la saisie et le rattachement
à un peuple déterminé.
Concernant la communication de MB, JPV demande si, en débutant
l'étude dès le 11ème siècle, on ne se
prive pas de l'apport de texte antérieur comme ceux d'Apollonius
(de Rhodes ???) et d'une recherche antérieure aux Croisades.
MB répond que son propos porte, en cette journée,
sur les écrits des Occidentaux sur les Arabes et de ce fait
ils n'en existent pas avant l'époque des Croisades. JPV se
demande quelle est l'image des conquérants (de la péninsule
espagnole) pour les Occidentaux, celle des arabes ou celles des
berbères ? MB répond que cette question des origines
ne se posera pas aux auteurs avant 1830. (pas sûre de la réponse)
Concernant la communication de ALA, JPV s'interroge sur la place
de la revalorisation des Scythes. ALA précise que leur redécouverte
est parallèle à l'engouement pour l'Antiquité,
c'est-à-dire, au 18ème siècle. Il explique
que les kourganes ont subi pillages et destruction et que ce n'est
qu'à la fin du 18ème siècle que sont entreprises
sur ces sites les premières fouilles. Il évoque le
fait que, jusqu'au 19ème siècle, la figure du Scythe
n'est pas rattachée à une vision nationale ou identitaire
et que le regard des intellectuels se tourne plutôt vers l'héritage
de la civilisation gréco-romaine et vers l'influence de l'Antiquité
classique. Il propose l'exemple d'articles parus dans la revue bolchevique,
au sein de laquelle Bloch et Tolstoï ?? porteront un intérêt
à cette question des Scythes mais ils seront critiqués
par Gorky ??. SSA se demande quelles sont les catégories
sociales qui sont touchées par la revalorisation des Scythes
sachant que ce sont les notables et l'aristocratie qui s'intéressèrent
plus particulièrement à l'Antiquité gréco-romaine.
ALA précise que cette redécouverte s'effectue dans
un contexte de multiplication des publications bolcheviques et de
ce fait le contexte et les supports de diffusion diffèrent
de l'époque du nouvel intérêt pour l'histoire
gréco-romaine au 18ème et 19ème siècles.
Il précise que dans les années 1940, de nombreux objets
disgracieux furent trouvés autour de la Mer Noire donc ils
ont été considérés comme des objets
scythes. ALA explique qu'ils furent trouvés dans un contexte
de recherche sur la colonisation grecque et qu'en 1960, un chercheur
démontra un hiatus de plusieurs siècles entre la colonisation
grecque et l'installation des Scythes ??? Le débat n'est
toujours pas clôt. (D. LENGRAND) se demande, concernant la
communication d'ALA, si l'on peut importer l'influence comme un
système de savoirs. ALA insiste sur cette possibilité
mais précise que la redéfinition de l'Antiquité
comme partie intégrante de la civilisation russe fut vécue
comme une intrusion d'un modèle étranger par les Russes.
Concernant la communication de PVR, JPV s'interroge sur la recherche
des villes vandales et la trace des fonds de cabanes. PVR précise
que, ce sont uniquement des tombeaux ou des objets qui sont retrouvés
et, de ce fait, il est impossible de savoir où ils habitaient
(malgré les écrits de Procope) et tout ce que l'on
connaît des Vandales en Afrique est très romain. En
réponse à JPV, RH précise que la survivance
des fonds de cabanes résident dans le fait qu'ils sont semi-enterrés
et abaissés par rapport au niveau du sol. En réponse
à PVR, il donne l'exemple d'une des fouilles qu'il mena dans
les jardins de l'Ambassade à la Marsa (Tunisie). Persuadé
que ce sont des thermes vandales, il précise que rien ne
les différencie des thermes romains mais qu'en même
temps, rien n'y est typiquement romain.
Concernant la communication de MB, RH se demande s'il a repéré
la trace d'échanges commerciaux et dans quelles mesures ils
contribuent à une connaissance des Arabes par les Occidentaux
autrement que par les textes. Il s'appuie sur l'exemple de la chéchia.
MB explique que les échanges commerciaux n'ont en effet jamais
cessé. Il explique que les Pères de l'Eglise ont eu
des échanges réguliers pour superviser le rachat des
captifs. Il propose l'exemple de la correspondance de Léon
L'Africain ???. RH se demande quelles sont les représentations
alors véhiculées. Il s'appuie sur l'exemple du peintre
Vermeyen qui accompagna Charles Quint en 1535 en Tunisie et qui
rapporta des dessins. MB explique, en effet, que, dans les récits
du siège de Mahdiya, les Occidentaux font la différence
entre le sarrazin-ennemi et l'arabe. JPL conclut en expliquant que
Mussolini fut l'initiateur de publication d'archives notariales
qui mirent en évidence le commerce triangulaire entre Bougie,
Tripoli et Venise (ou Gènes ???). Il termine par une anecdote
en expliquant qu'il a retrouvé en Seine-et-Marne (musée,
particulier ???) un tissu sassanide du 7ème siècle
illustrant l'idée que le commerce ne s'arrêta pas.
Communications de l'après-midi
HEDI DRIDI (HD) a présidé la séance de l'après-midi
et a présenté les intervenantes.
Leïla Najar (Paris X) : " L'image de l'Antiquité
en Tunisie du milieu du 19ème siècle jusqu'à
1956 "
Elle travaille sur l'image de l'Antiquité dans la presse
tunisienne se propose d'expliquer quelles sont les raisons qui motivent
le public à s'intéresser à cette période.
Elle étudie principalement deux types d'articles, ceux parus
dans les revues spécialisées et ceux parus dans la
presse de vulgarisation. Lorsqu'en 1874 est créée
l'Institut de Carthage, la constitution de ce cercle intellectuel
favorise l'éclosion de travaux. En 1903, la Société
Archéologique de Sousse à laquelle participe le Dr
Carton joue le même rôle. Les premiers journaux tunisiens
sont publiés en italien (1839 : Giornali Di Tunisi, 1859)
mais rapidement les journaux français vont proliférer
(La Dépêche Tunisienne). Le premier journal en langue
arabe, L'Indicateur Tunisien, apparaîtra durant le dernier
quart du 19ème siècle. L'Antiquité n'est pas
un sujet traité par la presse et lorsqu'un article lui est
consacré, il est bien souvent de mauvaise qualité.
Au 19ème siècle, l'intérêt des Tunisiens
pour l'archéologie locale est minime car il est considéré
que l'histoire débute avec la conquête arabe. Cette
perception du temps est relayé par l'enseignement dispensé
dans les kouttabs où l'apprentissage et l'éducation
est centrée autour du Coran. En 1875, la réforme de
l'enseignement permet l'émergence d'une plus large conscience
historique et les Tunisiens adoptent une nouvelle posture face à
l'histoire. Les vestiges archéologiques sont perçus
comme plus sûrs que les sources écrites. L'objectif
est alors de comprendre le présent à travers le passé
et la France instrumentalise cette idée en se positionnant
comme l'héritière de Rome en Tunisie. Ce sont alors
les travaux hydrauliques des Romains qui vont intéresser
les recherches françaises et les instances ministérielles
en Tunisie. Deux enquêtes sont menées à la fin
du 19ème. ???
Meriem Sebaï (Paris I) : " Les religions païennes
en Afrique face à l'historiographie française de 1880
à 2000 "
Elle propose de s'intéresser à la manière
dont on a pensé et écrit sur les religions antiques
d'Afrique du Nord depuis 1880. Il s'agit de mettre en lumière
les thèmes et les concepts qui ont été utilisés,
les méthodes et réflexions qu'ils ont générées.
Tout d'abord, lorsque que de nouveaux documents religieux sont découverts,
le mode de classement s'organise autour de deux idées : dieux
purement romains et dieux d'origine pré romaine. Par la suite,
lorsque St. Gsell et J. Toutain établissent une liste des
dieux se basant sur un matériel uniquement épigraphique,
leurs ouvrages deviennent rapidement les seules références
scientifiques. Leur perception Wissovienne du monde religieux mène
aisément à un monothéisme latent qui devient
alors jusqu'à nos jours la norme. Une seconde étape
historiographique symbolisée par l'ouvrage de M. Benabou
propose de réfléchir sur les questions religieuses
en terme de résistance à la romanisation. Reprenant
à cette occasion les thèmes chers à l'historiographie
colonialiste, persistance et survivance, il opère volontairement
une inversion " positive " de ces notions dans le contexte
nationaliste des années soixante dix. Il ne peut cependant
se détacher, en raison du peu de sources fiables, de la vision
primitiviste, introduite par la recherche colonialiste, de la sphère
sacrée libyque, ce faisant, ainsi, l'écho de G.-Ch.
Charles Picard qui présente les Libyens comme un groupe culturel
incapable de concevoir un panthéon divin. MSB présente
différentes études anciennes qui proposent de s'appuyer
sur la méthode ethnographique. Ainsi, le Dr Bertholon explique
que les cultes libyques survivent au delà des siècles
et que la danse du ventre serait une survivance des rituels de prostitution
sacrée. Enfin, elle souligne l'effet pervers que représente
le culte de Saturne à l'époque romaine dans la recherche
du 20ème siècle que l'abondance des documents extra
urbains érige en dieu unique et tout puissant du panthéon
romain d'Afrique. Tous ces thèmes sont repris depuis plus
d'un siècle par les deux historiographies colonialistes et
nationalistes, fatalement subjectives et portant chacune un projet
politique et idéologique, malgré un corpus documentaire
qui permet d'aller plus loin dans l'étude objective de la
vie religieuse de l'Afrique romaine et de son contexte méditerranéen
classique.
Leïla Barkati (ParisVII) : " Les guerres puniques
dans les manuels scolaires français : approches chronologique
et historiographique à partir de 1960 "
Etudier l'écriture de l'histoire des guerres puniques dans
les textes de langue française nécessite de s'interroger
sur la place et l'évolution du discours didactique historique.
Les manuels scolaires français et les instructions officielles
deviennent alors des sources privilégiées d'histoire
des idées. La période d'étude débute
à la fin des années 50 lorsque le Maroc et la Tunisie
recouvrent leur souveraineté. Ainsi, de 1956 à 2000,
l'évolution majeure du traitement des guerres puniques dans
les manuels scolaires est constituée par un abandon de la
mise en récit et les leçons prennent progressivement
la forme de courts énoncés ou utilisent le langage
cartographique. En s'intéressant particulièrement
à la présentation faite de Carthage dans les manuels
scolaires des années 60 où le récit est encore
très présent, on s'aperçoit que cette cité
et son fonctionnement sont proposés comme un contre-modèle
de Rome excluant de ce fait, toute intégration dans le champ
de l'héritage antique, notion déterminante qui oriente
l'apprentissage des jeunes élèves.
Discussion de l'après-midi
Concernant la communication de LB, (MBL) ??? précise que,
à propos des programmes du secondaire, s'il existe une continuité
dans l'enseignement de l'Antiquité en 6ème et 5ème,
ce n'est plus le cas en ce qui concerne la classe de seconde et
que l'élève passe de l'étude du citoyen en
Grèce ancienne à l'étude du christianisme au
2ème siècle après J.-C. RH s'interroge sur
la formation des auteurs de manuels proposés pour l'étude.
RAYA BENGUIZA (RB) précise qu'il existe dans l'enseignement
américain un grand intérêt pour les guerres
puniques et qu'un établissement scolaire porte le nom de
Carthage. VALERIE HUET (VH) explique que les présentations
faites de Carthage dans les manuels lui rappellent celles proposées
par les guides touristiques.
Concernant la communication de LEILA NAJAR (LN), HD est frappé
par le peu d'allusions des articles sur l'Antiquité. LN explique
qu'il est très difficile de consulter de façon suivie
et méthodique des archives de presse. (MBL) ??? explique
qu'il est également difficile d'établir une comparaison
entre les Italiens de 1860 et ceux de Mussolini car le fascisme
constitue une rupture dans la tradition coloniale italienne. JPL
semble alors se rappeler d'une imprimerie fonctionnant grâce
à l'abbé Bourgade avant 1860.
Concernant la communication de MSB, RB précise que Germaine
Tillion a proposé une critique des travaux du Dr Bertholon.
FRANCOISE BRIQUEL-CHATONNET (FBC) explique que la surévaluation
du culte de Saturne est parallèle à celle du culte
de Baal Hammon d'où la présence d'un héritage
idéologique certain. MSB précise que la documentation
sur Saturne se trouve concentrée en Afrique Proconsulaire
ce qui doit nuancer l'image populaire d'un culte omniprésent.
JPV se pose alors la question de la manière dont peut être
revisité le matériel. MSB prend l'exemple des temples
à trois celle qui ont été considérés
comme des temples typiquement africain et des témoins de
l'orientalité des cultes africains. Elle précise pourtant
qu'il est très difficile de faire un corpus cohérent
de ces temples car ils sont tous différents et ne peuvent
renvoyer à un profil ethnique quelconque de la religion d'Afrique
romaine. SSA appuie cette idée. Elle explique que la plupart
de ces temples sont d'époque sévérienne et
que le modèle serait celui virtuel du temple de Jérusalem.
ALA se demande dans quel état sont les vestiges. MSB répond
que les sites ont été déblayés au 19ème
et qu'il n'ont pas fait l'objet d'une fouille stratigraphique précise.
JPL explique qu'il est intéressé par l'imbrication
qui peut exister entre le géographique et le temporel. MSB
continue en expliquant qu'elle s'est aperçue du même
phénomène lorsqu'elle s'est intéressée
aux fêtes berbères. JPV s'interroge sur la portée
des gestes et l'impact d'une approche ethnographique et/ou anthropologique
concernant ce sujet. VH précise que justement elle s'est
livrée à une expérience sous forme de comparaison
entre la gestuelle des Napolitains actuels et celle les bas-reliefs
de banquet à Rome. VH explique qu'elle cherche une explication
au geste récurrent suivant : les doigts de la main sont posés
sur le front et le coude se trouve face à la poitrine et
non pas excentré. Elle n'a pas encore abouti à une
explication satisfaisante et elle lance un appel. MSB propose deux
exemples d'utilisation de l'explication anthropologique ou ethnologique.
Le premier qu'elle expose est tiré de l'uvre de Decret
et Fantar reprend l'idée que l'origine de la danse du ventre
est une pratique dérivée des rituels de prostitution
sacrée dans le culte rendu à Baal Hammon. Le deuxième
exemple proposé par MSB est celui des statuettes féminines
du Musée du Bardo qui ont les mains au niveau de/posées
sur la poitrine. MSB explique qu'elle fut témoin d'une scène
contemporaine qui fit écho à la posture adoptée
par les statuettes : une femme tunisienne tournant sur elle-même,
les mains soutenant les seins, veillant sa fille sur le point d'accoucher.
A propos de Gsell, DL explique que St. Gsell a peur qu'il arrive
à la France ce qui est arrivé à Rome en Algérie
et considère que la perte de la latinité résulte
de causes internes. Il précise alors que l'ambition de St.
Gsell est de faire une histoire sociale. Il poursuit son développement
sur le rôle de la religion punique et le lien avec la prédestination
" naturelle " des Berbères qui tendent au monothéisme
parce que " sémites". MSB précise que M.
Le Glay a repris la problématique de St. Gsell et de J. Toutain
à savoir que l'Algérie serait condamnée à
terme. RB précise que l'uvre de St. Gsell est devenue
une bible en Tunisie et cette situation pose le problème
de la fixation de l'écrit. RH évoque le " Berthisme
" (Rome et la Numidie) et l'idée qui se maintient dans
la population que le Kef serait l'ancienne Cirta. DL poursuit en
proposant de faire un parallèle entre St. Gsell et P. Bourdieu
qui propose le maintien de la structure sociale. Il explique que
l'hypothèse est que même si le berbère parle
le latin, cette pratique constitue une simple couche et qu'il existerait
l'idée d'un inconscient collectif qui serait celui de la
" berbérie villageoise ". MAURICE LENOIR (ML) réagit
pour nuancer ces analyses. Il est sceptique sur l'idée de
permanence et sur la notion de " berbère ". ML
explique que le problème concerne les couches sociales et
que visiblement les élites ont adhéré rapidement
et pleinement au modèle romain. D'après lui "
Le Berbère n'existe pas ! " Il s'agirait alors d'un
remplacement d'une domination par une autre. EL précise que
du point de vue archéologique Volubilis est, par exemple,
une ville totalement romaine. ML explique alors que le terme berbère
n'existe pas dans l'Antiquité et qu'il est apparu au 8ème
ou 9ème siècle de notre ère avec les généalogistes
arabes. MB appuie cette datation. FBC mentionne que ce problème
résulte de la vision de globalité que l'on chercherait
à appliquer. JPL nuance en mentionnant la communauté
de langue libyque. ML (entrée théâtrale et amusante)
rappelle que le libyque occidental et le libyque oriental sont différents
car l'un a été partiellement traduit et l'autre pas.
JPV expose l'idée que les peuples aux marges du système
romain commercèrent avec Rome et contribuèrent également
à sa chute. EL rappelle également que la science est
tributaire de ses connaissances et que le chercheur ne trouve que
ce qu'il connaît. MSB explique qu'il existe encore de nos
jours une obsession de la recherche de la norme romaine et que cette
posture intellectuelle engendre immanquablement des problèmes
idéologiques.
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