Notre troisième réunion a eu lieu le 13 mars dernier
à Nanterre, de 10 h 30 à 13 heures. Bien que plusieurs
d'entre vous n'ont pas pu y participer, en raison notamment de la
tenue de la Journée Augustin, nous avons compté 11
personnes dont trois nouveaux participants. L'un d'eux est venu
spécialement de Lille.
Après une rapide présentation, M. Benabbès
et M. Sebaï nous ont fait un compte-rendu du XVe Colloque de
l'Africa Romana qui s'est tenu du 11 au 15 décembre 2002
à Tozeur (Tunisie). Nos deux 'représentants' y ont
participé en présentant chacun une communication.
Ils ont également profité de cette occasion pour exposer
aux Doctorants présents à Tozeur le projet Africa
Antiqua. Les contacts qu'ils y ont établis laissent présager
d'un élargissement du cercle des jeunes africanistes.
Donnant des nouvelles de notre site Internet, M. Benabbès
a annoncé la mise en chantier du projet de traduction du
site en quatre langues : anglais, allemand, espagnol et italien.
Par la suite, nous sommes passé à l'Agenda scientifique
(voir la rubrique Agenda sur notre site http://africaantiqua.free.fr
ou http://histoire.univ-paris1.fr/africaantiqua) et aux informations
pratiques.
Concernant notre prochaine réunion à Aix-en-Provence
(2-3 avril 2003), nous serons au moins sept à faire le déplacement,
dont Virginie Bridoux et Nicolas Schmaltz qui viendront respectivement
de Rouen et de Lille.
Parmi les parutions récentes, nous avons signalé :
- D. Fishwick, The imperial Cult in the Latin West, Brill, Leyde,
2002.
- M. Khanoussi et alii : Mourir à Dougga, Ausonius, Bordeaux,
2002.
- J. Alexandropoulos : Les monnaies de l'Afrique Antique. 400 av.
J.-C. - 40 ap. J.-C., Presses Universitaires du Mirail, Toulouse,
2002.
- Antiquité tardive 10 (2002), consacré à l'Afrique
vandale et byzantine
- La sortie du volume des Mélanges dédiés à
David Cohen, présentés à l'occasion de son
80e anniversaire. On y trouve plusieurs contributions sur les langues
et les dialectes d'Al-Andalus et d'Afrique du Nord.
- Un volume d'hommages offerts à J.-M. Lassère, Ubique
Amici , CERCAM, Montpellier, 2001.
- Un volume d'hommages offerts à Cl. Lepelley, Idéologies
et valeurs civiques, Picard, Paris, 2002.
Vous retrouverez les comptes-rendus de ces ouvrages et d'autres
dans la rubrique Chroniques bibliographiques de notre site Africa
Antiqua (http://africaantiqua.free.fr ou http://histoire.univ-paris1.fr/africaantiqua)
Enfin, la troisième partie de la réunion été
consacrée à l'exposé de François-Xavier
Romanacce, intitulé : " Les confiscations comme instrument
de répression religieuse : l'exemple du Donatisme (Ve s.
ap. J.-C.) " (voir Annexe 2, ci-dessous).
Une riche discussion
s'en est suivie.
Hédi DRIDI
Mériem SEBAI
Mohammed BEN ABBES
ANNEXE 1 : Compte rendu du XVe colloque de l'Africa Romana
M. Bennabbès, A. Hellali et M. Sebaï rendent compte
de certaines communications :
Communication de Pol Trousset (séance d'introduction)
" Aux confins de l'Empire : contacts, échanges, conflits
"
P.Trousset évoque la perplexité des fonctionnaires
romains faces aux structures tribales, semi-nomades ou nomades des
Gétules par expl. Si bien que les sources évoquent
encore sous Tibère des conflits routiers, mais la situation
dans la zone du limes est finalement très calme dès
le début de l'Empire, notamment grâce aux centres d'habitat
permanent que sont les oasis qui deviennent des petites cités
sous l'impulsion des élites tribales.
En ce qui concerne le Limes lui-même, il s'agit plus d'un
système de routes et d'ouvrages militaires (tours, guichets
d'entrée) que d'un système défensif ; si bien
que très tôt après la guerre de Tacfarinas,
le Limes ne constitue plus un système défensif mais
plutôt un système de surveillance des courants humains,
un système de canalisation et de régulation des flux
nomades et aussi un système douanier. L'exemple le plus caractéristique
en est tout le réseau de fermes aux alentours du limes signifiant
que la zone ne possède pas le caractère défensif
qu'on a tendance à lui prêter mais vit dans la paix.
(M.S)
Communication de Jean-Paul Morel
" De la Grèce à Rome : quelques réflexions
sur la " frontière "
La notion de frontière s'étend au domaine religieux
par l'établissement dans le monde Gréco-romain de
sanctuaires extra-urbains et suburbains. Tout comme une tour de
surveillance sur le limes, la construction d'un temple éloigné
du centre urbain garantit la paix sur le territoire de la cité
ou bien permet à la cité de marquer son territoire.
Nous sommes ici dans le domaine des représentations symboliques.
(M.S)
Communication de Arbia Helali
" Geurres heureuses aux frontières de l'Afrique romaine
"
La notion de gloire est fondamentale dans l'histoire de l'Empire
romain. Les romains admirent le triomphe, glorification de leur
puissance et fruit d'une guerre heureuse. Les sources littéraires
et épigraphiques étaient au service de cette idéologie.
Ainsi, on y retrouve souvent les expressions suivantes : bellum
felix, expeditio felicissima, bene gesta. En Afrique romaine, on
connaît dix dédicaces religieuses en Numidie et en
Maurétanie Césarienne. Ces inscriptions font partie
d'un rituel de guerre, particulièrement quand il s'agit de
l'accomplissement d'un vu suite à une victoire. Vues
de l'extérieur, ces inscriptions nous donnent une image de
batailles heureuses en faveur des romains. Cependant, il faut prendre
en considération le contexte historique de la rédaction
de ces textes ; la deuxième moitié du IIIème
siècle, est une période de défaites régulières
pour les Romains. La notion de guerre heureuse traduit donc, non
pas une victoire réelle mais plutôt une volonté
officielle de transmettre à la postérité la
grandeur romaine. (A.H)
Communication de Mohamed Benabbès
" A propos d'une version arabe de la Géographie de Ptolémée
"
Il s'agit d'une version arabe méconnue de la Géographie
de Ptolémée, qui remonte au XVeme siècle et
qui a été réalisée par deux savants
grecs entrés au service du Sultan ottoman Mehmet II. Le volume
est composé de 239 pages dont 87 réservés aux
planches qui accompagnent le texte. L'intérêt de cette
traduction est qu'elle a été probablement faite à
partir d'un original grec de Constantinople (Istanbul) conservé
à la Bibliothèque du Vieux Palais. Ce manuscrit (Saraliensis
gr 57, sur un grand parchemin qui date de 1300) n'est pas très
connu, et, en tous cas, n'a pas été utilisé
par C. Muller, dans sa fameuse édition de Ptolémée.
L'examen de la version arabe est susceptible de corriger et/ou de
compléter certaines leçons dans le manuscrit grec.
D'autres part, la traduction arabe de Ptolémée permet
de comprendre certaines modalités du passage phonologique
du latin à l'arabe et surtout de dégager certaines
lois phonétiques qui ont influencé la traduction des
toponymes gréco-latins en arabe. (M.B)
Communication de Christine Hamdoune
" Contacts entre gentes et romains d'Afrique "
Les échanges culturels entre Gentes et Romains en Afrique
se traduisent par la conclusion des traités de fides. Rome
avait des alliés parmi certaines tribus qui avaient, en contre
partie, des obligations militaires. Ces dernières assuraient
la sauvegarde et le maintien de la présence romaine. (A.H)
Communication de Meriem Sebaï
" Les sanctuaires méridionaux du Cap Bon : " Une
frontière religieuse ? ".
Je montre qu'à la base du Cap Bon 4 sanctuaires dédiés
à Saturne, (J. Bou Kornine, Néféris, Tubernuc,
Thinissut) peuvent être rattachés à la série
des grands sanctuaires extra-ubains de l'Italie ou de la Gaule.
Ces sanctuaires, placés sur des hauts lieux ou des défilés
pouvaient constituer une " frontière religieuse ".
Ils permettaient à Carthage de signifier symboliquement que
l'on pénétrait sur son territoire. Toutefois, l'utilisation
de l'expression " sanctuaire marqueur de limite de territoire
" pour définir ce type de sanctuaire de hauts lieux
ou à l'entrée d'un défilé, est sans
doute plus appropriée que "frontière religieuse
". (M.S)
Communication de Ahmed M'Charek
" Aspect de la colonisation flavienne dans le territoire musulame
"
L'auteur évoque la communauté double de Thala sous
les Flaviens organisée en Pagus & castellum. Le castellum
possède des liens juridiques privilégiés avec
Rome puisqu'il est lié par un foedus, cette alliance remonte
à la création d'Ammaedara et au fait que le castellum
abritait une petite garnison liée au système défensif
qui gravitait autour d'Ammaedara. Ahmed M'Charek mentionne une 1ère
borne au nord de Thala et une 2nde au sud-ouest (inédite).
Ce bornage délimite le territoire des colons du pagus d'une
part et celui des Thalenses d'autre part. (M.S)
ANNEXE 2 : Résumé de l'exposé de François-Xavier
Romanacce
Confiscations, restitutions et transferts de propriété
dans la répression du donatisme au IVe s
La publicatio, c'est-à-dire la confiscation au sens propre,
au profit du Fisc impérial, est une arme essentielle de la
répression de la déviance religieuse. Pourtant, elle
n'intervient que tardivement dans la répression contre les
donatistes. Les transferts de propriété, et ils sont
nombreux lors de l'épisode donatiste, ne se font pas au profit
de l'Etat. Plus étonnant encore, parmi ces transferts de
propriété, certains se font au profit des donatistes
schismatiques.
Dès le début du schisme, en 312-313, les édifices
de culte font l'objet de revendications contradictoires de la part
de l'Eglise dite de Caecilianus (les catholiques) et de l'Eglise
dite de Donat (les donatistes) : Constantin, qui vient de prendre
le pouvoir à Rome, désire en effet rendre à
l'Eglise chrétienne d'Afrique les biens qui lui ont été
confisqués lors de la persécution de Dioclétien.
Or les deux Eglises concurrentes en revendiquent la propriété.
Contrairement à l'image que les historiens ecclésiastiques,
et notamment Eusèbe, ont voulu laisser de Constantin, il
faut souligner que l'empereur n'est pas, dès l'origine, hostile
aux donatistes : son principal objectif est de ramener l'unité
dans l'Eglise. Il écoute donc dans un premier temps leurs
revendications, avant de sévir contre eux en 316. En 321
cependant, il revient à une politique de tolérance
à leur égard.
A l'instar de la politique de Constantin, la répression du
donatisme est, pendant un siècle, une alternance de mesures
extrêmement rudes et d'édits de tolérance. C'est
ainsi qu'à plusieurs reprises, les donatistes se voient attribuer
la possession des basiliques. Deux de ces occasions n'ont aucune
signification particulière : c'est Constantin qui, ne pouvant
parvenir à réduire le schisme, décide d'accorder
aux donatistes la possession des édifices qu'ils occupent
pourtant illégalement. Puis Julien, qui y voit une façon
d'affaiblir l'Eglise catholique.
Mais deux autres cas de rétrocession aux donatistes sont
à retenir : Augustin rappelle aux donatistes qui se disent
persécutés qu'eux-mêmes n'ont pas agit autrement
vis-à-vis de leurs propres schismatiques. En effet, lorsqu'un
évêque de Membressa s'opposa au primat donatiste de
Numidie, celui-ci obtint du tribunal du proconsul l'attribution
de la basilique de Membressa et se chargea de l'expulsion de l'évêque
rebelle.
L'autre exemple est la préparation de la Conférence
de 411, qui devait mettre face à face catholiques et donatistes
pour parvenir à l'Union. Or le fonctionnaire chargé
de la Conférence, le tribun Marcellinus, décida de
rendre aux donatistes les bâtiments qui leur avaient été
enlevés par un édit impérial. Il serait réducteur
de considérer ce geste comme une simple hypocrisie de la
part du pouvoir. Il faut au contraire y voir une volonté
sincère de parvenir à l'Union, plus exactement au
retour des donatistes dans l'Eglise catholique. Et la rétrocession
des basiliques est une façon de proclamer publiquement que
les donatistes, en dépit d'une législation qui les
désigne comme hérétiques depuis 405, sont susceptibles
d'être admis à nouveau dans l'Eglise.
A côté des édifices de culte, d'autres biens
font l'objet de la revendication concurrente des catholiques et
des donatistes. Il s'agit des biens meubles et immeubles, légués
par des fidèles donatistes à leur Eglise. Or la législation
impériale interdit aux hérétiques de tester
et de recevoir des legs ; ces testaments sont donc contestés
par les catholiques devant les juges. Ici encore, ce n'est pas au
profit du Fisc que les testaments sont cassés, mais au profit
des catholiques (en tant que particuliers ou en tant qu'Eglise ?).
Il est aussi intéressant de constater que cette législation
est appliquée aux donatistes dès la fin du IVe siècle,
à une date où ils sont encore considérés
comme schismatiques, et non comme hérétiques. Cette
pratique de l'assimilation est un des outils de répression
fréquemment utilisés par le pouvoir impérial
dans sa lutte contre la déviance religieuse.
Chronologie
- 303-304 : persécution de Dioclétien.
- 311 : Caecilianus évêque de Carthage.
- 312 : Concile de Carthage. 70 évêques de Numidie déposent
Caecilianus et élisent un nouvel évêque.
- 313-314 : les donatistes font appel à Constantin.
Concile de Rome : l'ordination de Caecilianus est confirmée
Concile d'Arles, qui confirme les décisions de Rome.
Jugement par Constantin, qui déclare Caecilianus évêque
légitime.
- 316 : " Edit d'Union " : Constitution de Constantin contre
les donatistes, obligation de restituer les basiliques. Sentences
d'exil et premiers martyrs donatistes.
- 321 : édit de tolérance. Retour des exilés,
fin des saisies.
- 347 : tentative de conciliation par Constant qui envoie les "
Artisans de l'unité ", Macaire et Paulus. Opposition
armée de Donat de Bagaï.
Echec de la conciliation et
nouvel " Edit d'Union ".
- 362 : sous Julien, les donatistes récupèrent leurs
droits et leurs basiliques.
- 393 : début du schisme maximianiste.
- 401 : Concile de Carthage : les évêques catholiques
décident de conserver leurs dignités aux clercs donatistes
ralliés.
- 405 : " Edit d'Union " : une constitution d'Honorius assimile
le donatisme à une hérésie.
- début 410 : une constitution du même Honorius (non
conservée) tolère le donatisme.
- 25 août 410 : Honorius annule son édit de tolérance
(CTh 16, 5, 51).
- 1er juin 411 : ouverture de la Conférence de Carthage
- 26 juin 411 : proclamation des décisions de la Conférence.
Les donatistes font appel.
- 30 janvier 412 : édit impérial de liquidation du donatisme
- 420 : résistance de Gaudentius de Timgad, qui menace de s'immoler
par le feu dans sa basilique.
Note : cet exposé est une version préliminaire de
la communication que l'auteur a présenté lors d'une
table-ronde à l'institut de Droit romain, le samedi 16 mars
2003. Les actes de cette table-ronde seront publiés par le
CDDA, l'Université de Paris II et le CNRS.