Compte rendu de la septième réunion d'Afriqua Antiqua

Paris VII-Jussieu

Vendredi 24 octobre 2003

Chers amis,


Notre réunion de rentrée, la 7e, s'est tenue pour la première fois à Tolbiac où nous nous retrouverons tout au long de l'année. En effet, J.-P. Vallat, que nous remercions très sincèrement pour cette précieuse aide logistique, met désormais une salle de séminaire à notre disposition, un vendredi par mois.
Nous étions moins nombreux que la dernière fois, 12 participants, mais plusieurs d'entre nous s'étaient excusés, période d'inscription et reprise des cours oblige. Il faut aussi rappeler que, cette année, certains sont rentrés en Tunisie où ils ont obtenu des postes à l'INP ou à l'université : Slah Selmi et Zakia Loum.
Nous avons commencé par rappeler quelques informations qui se trouvent sur le site comme les soutenances de Nicolas Schmalz et Catherine Fourmont les 22 nov. et 13 déc. et l'avancement du projet de numérisation du CIL, VIII. A ce propos, Mohammed Ben Abbes a renouvelé son appel à participation que nous avions déjà reçu par mail et nous avons proposé que toutes les personnes intéressées se retrouvent pour une séance de travail afin de définir ensemble les modalités de la numérisation des images, de leur traitement et de leur stockage.
Leïla Barkati, inscrite sous la direction de J.-P. Vallat et ATER à Paris VII, nous a présenté le séminaire animé par son directeur et rappelé les dates des séances qui concerneront l'Afrique cette année : les lundis 5 et 19 janvier et le lundi 19 février où parleront V. Brouquier-Reddé, E. Lenoir et M. Sebaï. Vous retrouverez ces dates dans la rubrique Agenda.
La réunion s'est ensuite déroulée en trois temps : la présentation de nouvelles publications, l'annonce des dates de diverses rencontres scientifiques et l'exposé de Raya Ben Guiza sur "les décans Egyptiens et leur réception dans le monde phénicien et punique".

1- Bibliographie

Raya a présenté La naissance du monothéisme, d'André Lemaire et La marine carthaginoise, de Abdelhamid Barkaoui. Hédi a signalé la parution de deux ouvrages sur la civilisation punique : La présence punique en pays numides d'Alya Ben Younès-Krandel et Recherches sur l'architecture funéraire punique du Cap Bon de Mounir Fantar. Concernant la période romaine, un seul ouvrage a été présenté par Sophie : Itinéraires de Saintes à Dougga. Hommages à Louis Maurin. Vous trouverez un compte-rendu de ces ouvrages récents et leurs références précises dans la rubrique Chroniques.
Il faut aussi signaler la parution des Actes du 9e Colloque sur l'histoire et l'archéologie de l'Afrique du Nord qui s'était tenu à Tabarka, en mai 2001. L'ouvrage n'était pas encore disponible au moment de notre réunion, mais il serait intéressant que, parmi ceux qui se le procureront ou se le sont déjà procuré, quelqu'un en fasse un compte-rendu pour Africa Antiqua.
Enfin une publication concernant l'Afrique a été annoncée : les actes des deux premières journées d'études de la Société d'Etudes du Maghreb Protohistorique Antique et Médiéval (SEMPAM) qui s'étaient tenues en 2001 et en 2002 à Ulm et à Aix (où Mohédine Chaouali et Raya Ben Guiza avaient chacun présenté une communication) vont être prochainement publiés ensemble dans un fascicule d'Antiquités Africaines.

2- Colloques et séminaires

Les 3e journées d'études de la SEMPAM se sont tenues les 10 et 11 octobre 2003 au musée d'Aquitaine de Bordeaux, au moment de l'ouverture de l'exposition Saint Augustin, une mémoire d'Algérie (jusqu'au 4 janv. 2004 avec, tous les mardi soirs, une conférence du Pr. P. Cambronne, spécialiste de l'évêque). Conçues en relation avec cette manifestation, le thème de ces journées était Saint Augustin : la Numidie et la société de son temps. En attendant leur publication annoncée à l'Institut Ausonius fin 2004, Sophie nous a fait un compte-rendu des communications que vous trouverez en Annexe 1 et a ramené le catalogue de l'exposition présenté par Mohammed (Chroniques).

Plusieurs dates de manifestations scientifiques sont à retenir, elles figurent également dans l'Agenda :
- 4-5 déc. 2003, à Sienne : colloque international sur Les paysages antiques du Maghreb : Maroc et Libye.
- 10-14 mars 2004, à Siliana et à Tunis : colloque organisé par A. Ferjaoui sur le thème de Carthage et les autochtones.
- 22-24 octobre 2004, à Paris : le Groupe de Recherche "Sanctuaires et lieux de culte" organise un colloque sur le thème des Rites et aménagements cultuels en Afrique pré-romaine, romaine et chrétienne.
- 9-12 décembre 2004, à Rabat : 15e Colloque de l'Africa Romana.
- fév.-mars 2005, à Tripoli : la SEMPAM organisera un colloque qui traitera des Cultes et lieux de culte en Afrique, de la période protohistorique à l'époque médiévale. Pour proposer une communication, il faut s'adresser à S. Lancel, R. Rebuffat ou X. Dupuis.

3 - Exposé
Pour terminer, Raya nous a présenté sa communication intitulée "Les décans égyptiens et leur réception dans le monde phénicien et punique", il s'agissait d'une répétition pour le colloque La Transeuphratène à l'époque Perse. Société, Pouvoir et Religion qui s'est tenu du 6 au 8 nevembre 2003 à l'Institut Cathloique de Paris. (Annexe 2). Beaucoup de questions ont été posées sur ce sujet qui nous était à tous peu familier, l'occasion d'aborder d'autres domaines de recherche.

Cordialement,

Sophie Saint-Amans

ANNEXE 1. Résumé des communications présentées aux 3e journées de la SEMPAM

Les deux premières communications du Vendredi 10 octobre, d'A. Michel et J. P. Caillet, se complétaient puisqu'elles avaient toutes les deux traits aux églises paléochrétiennes. A. Michel a rappelé la densité et précocité de l'implantation des sièges épiscopaux en Proconsulaire, mais aussi en Numidie : recense 167 églises sur 97 sites des 2 provinces et présente une rétrospective des principales églises martyriales dont le principal pb est qu'elles sont mal datées, pas de rapports de fouilles anciennes. et J.P. Caillet s'est intéressé particulièrement aux ensembles chrétiens de Timgad, Djémila, Announa et Madaure pour conclure aussi que les nombreuses implantations d'églises précoces correspondent bien aux témoignages laissés par les sources, en particulier par Saint Augustin. La matinée s'est terminée avec la communication de Fr. Baratte qui a dressé une typo-chronologie de la sculpture en Numidie à la fin de l'Antiquité, en soulignant lui aussi les difficultés soulevées par les pb. de datation.
L'après-midi, deux responsables de sites algériens ont parlé d'Hippone, la ville de Saint Augustin : S. Dahmani et S. Ferdi ont présenté respectivement un bilan de l'état de conservation du site d'Hippone aujourd'hui et un itinéraire des visites pastorales de l'évêque dans ses campagnes. Cl. Lepelley a clôt la journée en évoquant la vision qu'avait l'évêque de sa société, qu'il divise en deux parties. Il se définit comme africain, homo Afer, et témoigne d'une forte identité régionale fondée en particulier sur les héritages puniques dont il exalte la culture, en revanche, il qualifie de barbares, Afri barbari, les populations tribales des confins et de Maurétanie.
Les trois premières communications de la matinée du samedi 11 octobre était davantage consacrées à certains aspects de la théologie de SA et au cheminement de son engagement spirituel. P. Cambronne a évoqué le parallèle entre les perversions de la chair et celle de l'esprit que Saint Augustin a établi en construisant un jeu de miroirs entre plusieurs livres des Confessions. A. Fraïsse a rappelé la venue à Uzalis des reliques de Saint Etienne en analysant le récit du De miraculis Sancti Stephani, puis en envisageant, à travers La Cité de Dieu, l'évolution des prises de position de Saint Augustin vis-à-vis des miracles.
Enfin, S. Lancel a conclu le colloque par des notes très intéressantes et très instructives sur l'entourage féminin de l'évêque, en particulier sur ses relations avec sa mère, Monique.

Sophie Saint-Amans


ANNEXE 2. Résumé de la communication de Raya ben Guiza : "Les décans égyptiens et leur réception dans le monde phénicien et punique"

Cet article concerne les rouleaux puniques et leur iconographie égyptisante. Il s'agit de mieux comprendre la dimension emblématique de ces amulettes et d'étudier plus amplement le phénomène égyptien " des décans " qui les a inspirées.
Les pendentifs porte-amulettes et leurs rouleaux talismans ont été découverts lors des premières fouilles des nécropoles carthaginoises il y a plus d'un siècle. Plusieurs études leur ont déjà été consacrées depuis, toutes redevables à la recherche majeure de Jean Vercoutter qui a le premier attiré l'attention des chercheurs sur la ressemblance de leur iconographie avec celle d'autres objets égyptiens. En précurseur, il n'a pas hésité à démontrer la filiation de ces amulettes carthaginoises avec les décans égyptiens. Depuis 1945, plusieurs autres rouleaux ont été découverts sans que le rapprochement avec ceux de Carthage ne soit systématiquement fait, jusqu'au jour où Mme Brigitte Quillard a entrepris un travail énorme celui de rassembler en deux grands volumes l'ensemble des bijoux carthaginois et leur a donné voix au chapitre. Son étude met en valeur la place particulière qu'ils occupent dans la bijouterie phénico-punique, faisant rejaillir par-là leur " typicité " et leur valeur talismanique. Force est de constater que ces objets se distinguent des simples ornementations et qu'on ne peut se contenter de les traiter comme une simple production égyptisante.
Le problème de l'origine de ces documents est très délicat à aborder, il n'en demeure pas moins que l'étude des Bijoux permet de dégager une série de données plaidant en faveur d'une origine carthaginoise. Après avoir démontré l'antériorité des étuis porte-amulettes carthaginois sur les exemplaires semblables du Proche-Orient, il est facile de rejeter la théorie de J. M. Blázquez qui plaidait pour une origine phénicienne. J. Leclant ne s'est quant à lui pas prononcé sur une éventuelle origine, mais a insisté sur la parenté iconographique avec certains rouleaux trouvés en Egypte. Certes des modèles antérieurs aux exemplaires puniques sont connus en Egypte, mais ils s'en distinguent tellement par leur forme et leur iconographie, qu'une filiation directe serait audacieuse. Avec l'étude de G. Maas-Lindemann , on admet qu'il ne s'agit pas de simples importations et on envisage une production locale. Les Carthaginois les auraient gravés d'après un modèle qui leur est familier, mais aussi les auraient arrangés selon les propres attentes de leur clientèle.
En Égypte, les décans, véritables horloges stellaires étaient supposé sinformer les morts sur le passage des heures de la nuit, les guider et protéger contre tous les dangers dans leur voyage vers l'au-delà. La course immuable des décans, représentants de tous les astres dans la voûte céleste, donnait l'assurance au Ba du défunt de rester dans un cycle invariable et infini et par conséquent lui garantissait l'immortalité.
Les premières attestations iconographiques égyptiennes des décans auxquelles se rattachent les figures phéniciennes remontent à la XXIIe dynastie, avec les bracelets de Hornakht. Ces deux bracelets ont été trouvés dans la tombe d'Osorkon II et sont très importants pour la compréhension des figures adoptées par les Phéniciens, car en plus des formes habituelles des décans ils portent des inscriptions qui éclairent sur la visée de ces objets. On y apprend que les décans avaient un pouvoir sur le destin et qu'ils pouvaient suppléer la douleur et la mort. Les invoquer permettait de s'assurer une garantie contre toute épreuve.
L'iconographie des rouleaux-talismans dérive de cette tradition décanale. Les décans y sont représentés dans un schéma logique, mais ils sont aussi accompagnés par une assemblée de divinités et de démons, (deux grands chapitres en particulier sont consacrés à la déesse Sekhmet et son émissaire le décan serpent " sšrw ").
Les influences de l'Égypte sur la culture phénicienne ne sont plus à démontrer tant elles sont nombreuses. La période " libyenne " est particulièrement sensible et riche en documentation archéologique. Et on peut désormais compter sur la richesse de ces images décanales pour mieux comprendre la religion phénicienne.
Le principe des bandes roulées et enveloppées dans un tube trouve un parallèle dans le système des décrets divins, qui sont apparus à la fin du Nouvel Empire. Toutes ces protections individuelles, souvent nominatives, permettaient de se prémunir de tous les dangers et garantissaient une immunité face aux dangers provoqués par Sekhmet ou par l'action magique. Portés au cou du propriétaire, le papyrus est roulé et conservé dans un étui le cachant des regards indiscrets qui peuvent lui faire perdre son efficacité. Chronologiquement, cela correspond parfaitement avec l'apparition des pendentifs porte-amulettes carthaginois et leur diffusion méditerranéenne.
Au regard de cette étude, il semble possible d'affirmer que l'iconographie de ces amulettes puniques a une origine égyptienne directe. La production, quant à elle, fut réalisée dans des ateliers puniques, carthaginois de surcroît, qui auraient été en contact avec des artisans égyptiens d'abord et qui se seraient directement inspirés de leur répertoire pour développer un modèle propre aux attentes puniques locales. Ces modèles sont tout à fait assimilés et ne sont pas de simples copies. Les artisans ont compris la taxinomie et le symbolisme de ces figures et ne se contentaient pas de les disposer selon un ordre aléatoire. Sous réserve d'indices contraires, il semble probable que les Carthaginois aient la paternité de ce type d'amulettes. Carthage serait le centre de gestation, de production et de distribution de celles-ci de la fin du VIIe jusqu'au IIIe s. av. J.-C.

Raya ben Guiza


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